"Ce que « Le Petit Prince », de Saint-Exupéry, a de spirituel"
"Le deuxième livre le plus traduit au monde après la Bible est un conte pour enfants dépouillé, dont la dernière note n’est pas un « happy end ». Une fin atypique qui voile le sens de ce conte philosophique, auquel le Musée des arts décoratifs (Paris) consacre actuellement une exposition."
« Il y avait, à côté du puits, une ruine de vieux mur de pierre. Lorsque je revins de mon travail, le lendemain soir, j’aperçus de loin mon petit prince assis là-haut, les jambes pendantes. Et je l’entendis qui parlait :
— Tu ne t’en souviens donc pas ? disait-il. Ce n’est pas tout à fait ici !
Une autre voix lui répondit sans doute, puisqu’il répliqua :
— Si ! Si ! C’est bien le jour, mais ce n’est pas ici l’endroit…
Je poursuivis ma marche vers le mur. Je ne voyais ni n’entendais toujours personne. Pourtant le petit prince répliqua de nouveau :
— … Bien sûr. Tu verras où commence ma trace dans le sable. Tu n’as qu’à m’y attendre. J’y serai cette nuit.
J’étais à vingt mètres du mur et je ne voyais toujours rien. Le petit prince dit encore, après un silence :
— Tu as du bon venin ? Tu es sûr de ne pas me faire souffrir longtemps ?
Je fis halte, le cœur serré, mais je ne comprenais toujours pas.
— Maintenant va-t’en, dit-il… Je veux redescendre !
Alors j’abaissai moi-même les yeux vers le pied du mur, et je fis un bond ! Il était là, dressé vers le petit prince, un de ces serpents jaunes qui vous exécutent en trente secondes. Tout en fouillant ma poche pour en tirer mon revolver, je pris le pas de course, mais, au bruit que je fis, le serpent se laissa doucement couler dans le sable, comme un jet d’eau qui meurt, et, sans trop se presser, se faufila entre les pierres avec un léger bruit de métal. Je parvins au mur juste à temps pour y recevoir dans les bras mon petit bonhomme de prince, pâle comme la neige. »
La mystique révélée à la fin du Petit Prince est à l’image des motivations spirituelles de son auteur, Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944) : inquiètes, parfois amères, mais toujours sans concession et fidèles à ses interrogations.
Dans les arcanes de cette œuvre, certaines énigmes persistent et voilent le sens final du conte philosophique. Le petit prince est-il retourné auprès de sa rose ? S’est-il volatilisé ? A la question « De quelle façon se termine Le Petit Prince ? », il n’existe pas de réponse limpide et définitive. Saint-Exupéry ne nous dit rien. Aucun indice suffisant ne nous est donné pour suggérer la trame concrète du dernier acte. Et pourtant…
Situé dans l’avant-dernier chapitre, l’événement relaté précède la séparation entre le petit prince et le narrateur. Après avoir découvert le puits tant recherché dans lequel l’aviateur et l’enfant peuvent enfin se désaltérer, le petit prince explique qu’il est maintenant sur la Terre depuis un an et qu’il serait grand temps pour lui de retourner sur son astéroïde. Il recommande donc au narrateur de trouver le moyen de réparer son avion afin de quitter, lui aussi, le désert pour de bon. De retour de sa réparation, l’aviateur aperçoit l’enfant discutant avec un serpent.(...)" (Lido em: Le Monde 2022-03-09
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